
Lisbonne, ma merveilleuse
Ce que vous allez trouver dans cet article : une parenthèse de vie à l’étranger. Mon départ, mon choix et la vie qui m’attendait là-bas.
Partir à l’étranger et découvrir le monde.
Septembre 2017, je viens d’obtenir mon master, ENFIN, les études sont finies ! Oui parce que vous dire que ça été simple serait vous mentir. Peut-être quelques semaines de chômage histoire de chercher un travail, en soi, une banalité pour les jeunes diplômés français. On s’inscrit sur tous les sites d’emplois possibles et inimaginables, on refait son CV, on sourit, on y croit ! Pendant mes quelques jours de repos, je regarde de temps en temps les offres, plus par curiosité que par recherche, mais bon on ne sait jamais, peut-être vais-je tomber sur LA perle ? Et puis je tombe sur cette offre : « Conseiller clientèle à Lisbonne, emploi francophone ».
Je vous explique ce qui se passe dans ma tête en lisant ça : vous rayez complètement le « conseiller clientèle » (un métier qui ne m’intéressait pas spécialement et que j’avais déjà fait en France quelques années auparavant) et vous gardez juste le « Lisbonne et francophone ».
Je voulais partir à l’étranger, découvrir le monde, voyager ! Mais je ne parlais pas anglais.
C’était une souffrance, une honte, un blocage dans ma tête. Pas un mot anglophone ne sortait de ma bouche. J’étais littéralement bloqué alors que j’avais eu des cours d’anglais à l’école depuis des années. Je voulais remédier à ça, absolument ! Je voulais donc partir quelque part pour être forcée à parler et apprendre cette langue. Alors c’est sûr que l’anglais n’est pas la langue officielle du Portugal, mais lorsque vous partez à l’étranger, la langue « référence » est toujours l’anglais.
Alors OK, je postule pour cette offre, on verra bien !
Deux jours plus tard, on m’appelle pour me proposer un entretien. « Euh ok… Je n’ai toujours rien à perdre alors allons-y ! » Ce premier entretien est plus que basique, simple vérification des informations inscrites sur mon CV et description de l’offre. On m’envoie un test de français (pour prouver que c’est bien ma langue maternelle) puis c’est parti pour le second entretien ! Le recruteur m’explique comment cela va se dérouler : « On viendra te chercher à l’aéroport, tu seras logée par l’entreprise dans un appartement en colocation, tu n’auras pas un gros salaire, mais la vie au Portugal n’est pas chère… » Mais que se passe-t-il ? Il y aurait un job au bout de tout ça ? Est-ce une blague ? Où est la faille ? Tout va extrêmement vite… Le recruteur me dit qu’il valide ma candidature. Je dois répondre au plus vite, prendre mes billets d’avion, et être à Lisbonne dans moins d’un mois.
À ce moment-là, seulement quelques personnes sont au courant. J’en parle à ma famille et mes amis les plus proches. Lorsque j’ai évoqué le sujet avec mes parents, la première réaction ressemblant plutôt à : « tu ne voudrais pas faire un truc classique, comme tout le monde et pas trop loin de chez nous pour une fois… »Et puis une réunion « au sommet » avec ma bande de potes de toujours, s’imposait. Appartement quartier gare de Strasbourg où deux de mes amis étaient en colocation. On était 7 ou 8, je leur avais dit que je voulais leur parler de quelque chose pour avoir leur avis. Les questions en arrivant allaient bon train : « t’as un mec ? » ; « t’es enceinte ? » ; « t’as trouvé du taf ? ». On était bien loin du sujet avec les deux premières questions, mais avec la troisième, on s’en rapprochait. Ils me donnent leur avis. C’est du 50/50 : « Vas-y, tu n’as rien à perdre ! » ; « tu sais le taf, c’est vraiment important, tu ne devrais pas t’engager dans un boulot qui ne te plaît pas d’avance » ; « tu pars seule dans une ville que tu ne connais pas, où ils parlent une langue que tu ne connais pas ? » ; « ça va être une super expérience, fonce ! Et puis au pire, tu reviens avant la fin de ton contrat ! ».
Après ce petit sondage en toute objectivité, la décision me revenait. J’étais dans le doute, je ne savais pas quoi faire. Ce qui m’a fait prendre ma décision, c’est simplement de me dire que je n’avais rien à perdre et tout à gagner. Que si ça ne fonctionnait pas, j’étais libre de rentrer.
Castel St Jorge Lisboa
C’est parti ! Direction le Portugal, Lisbonne.
Destination inconnue, où je n’ai jamais mis un pied, où je ne connais personne et où maintenant, je vais vivre.
C’est là que mon aventure commence : une personne de mon entreprise vient me chercher à l’aéroport, m’emmène dans mon nouveau « chez moi », ma formation service client commence deux jours plus tard. Les débuts se passent bien, je fais rapidement des rencontres grâce à la formation et à l’entreprise.
Je change rapidement d’appartement, suite à un « problème » de fenêtre cassée.
Et je me retrouve dans un appartement où nous vivons à 13 Euro-colocataires !
13 colocataires, venus de différents pays d’Europe : Allemagne, Italie, Grèce, Portugal, France… qui vivent ensemble, dans un même appartement.

Voilà mon Europe à moi : un appartement, qui avait même un nom. On le surnommait le “99” (numéro dans notre rue).
13 ?! Really, vous vivez à treize ?!
À chaque fois qu’on me demandait : « Et toi, vous êtes combien dans ta coloc ?” Et que je répondais « 13 » ; les réactions étaient magiques ! En une fraction de seconde, le visage des gens changeait et les questions fusaient. Et quelles étaient les questions ? Et bien figurez-vous que c’étaient quasiment toujours les mêmes, et c’était des questions d’ordre « vitales » bien sûr !« 13 ?! Mais vous avez combien de salles de bain ? » Et combien de frigos ? » Et la cuisine, elle est grande ? » Et pour faire votre linge, comment vous faites ? » « Tu t’entends avec tout le monde ? »
…J’ai sûrement eu la même réaction lorsque j’ai su que j’allais vivre avec douze autres personnes, mais j’avoue que je ne m’en souviens pas vraiment. Et puis après, cela me paraissait tellement normal que ces questions me faisaient plutôt rire.Alors si jamais cela vous intéresse, nous avions cinq salles de bains (mais deux qui étaient non utilisables), trois frigos avec chacun notre espace, deux machines à laver et deux sèche-linges, huit plaques de cuisine, deux fours, et oui la cuisine est assez grande ; et non je ne m’entendais pas avec tout le monde, mais je n’avais de problème avec personne !Oui, on était 13, mais si on avait envie d’être seul, on allait dans notre chambre, notre espace, notre intimité.
Le 99, c’était aussi 13 personnalités.
Des discrets, voire très discrets, des bruyants, des furtifs, des introvertis, des extravertis, des fêtards, des jeunes, des moins jeunes, des casaniers… Bref, tout le monde est là, tout le monde a son histoire d’avant et construit son futur à travers ces 4 murs.
La langue commune, c’était l’anglais, bien évidemment.
Au début, j’ai commencé par parler de banalités, de choses simples et surtout, je restais dans le salon avec mes colocs, j’écoutais les discutions en anglais et les films en VO afin que mon oreille s’habitue. Et puis au fur et à mesure, ça vient tout seul, j’arrivais à avoir une conversation, si simple soit-elle. Ça prend du temps, mais j’étais avec des gens bienveillants, qui ne portaient pas de jugement sur mes fautes ou mon accent. Je me sentais en confiance. C’est comme ça que j’ai pu m’améliorer. Bien sûr, j’ai appris un ou deux mots Italien et Allemand au passage… et j’essayais de leur apprendre quelques mots en français.
Cet appartement était plein de vie, plein de traditions, de cultures et de partages, c’est ça l’Europe.
L’incontournable, c’était les repas, lorsque l’on parle de nourriture, généralement ça va avec nos origines, notre nationalité… Bon, parfois c’est vrai qu’on a tous un petit côté italien car les pâtes et la pizza reviennent souvent au menu.Plus sérieusement, ça se passait comment… ? Il y avait celui qui mangeait très tôt, vers 18h, celui qu’on ne voyait jamais et qui ne parlait à personne. Juste après, arrivait la seconde solitaire, enfin pas vraiment solitaire, car elle parlait tout le temps, mais au téléphone, pas avec nous. Elle préparait son repas et partait dans sa chambre pour manger.
Entre 19h et 20h… ça commençait à s’agiter dans la cuisine : « what are you cooking today ? ». L’un des fours s’allumait et attendait sagement sa pizza. Les couteaux, planches à découper et casseroles étaient d’attaque ! Une petite salade pour notre sportive, des légumes mijotés et des épices pour notre italienne, des lasagnes faites maison pour notre italien, une quiche ou des pâtes pour nos allemands, une pizza ou du poulet pour les français… Bien sûr, ça changeait chaque jour, mais je cite les repas qui revenaient le plus souvent pour chacun. Et puis il y a les soirs de « grandes bouffes ». L’un faisait à manger pour 4, pour 5, ou même pour 6… et il en restait pour le lendemain !
On échangeait nos traditions, nos coutumes.
Je leur ai fait découvrir la galette des rois, j’avais mis une petite pierre pour la fève et deux de mes colocs avait fait des couronnes avec le carton des boîtes de céréales (home made style). À Pâques, l’un de mes colocs avait déposé un chocolat devant chacune de nos portes. À Noël, tout le monde avait mis la main à la pâte pour faire un grand repas. On faisait des cadeaux communs aux anniversaires…

Chaque jour, l’Europe des 13 se réveillait au 99. Chacun à sa manière.
Il y avait la team du matin qui commençait à 7 heures, c’était l’italienne à côté de ma chambre qui se levait la première, vers 5h30 car elle voulait avoir le temps de prendre un café avant le travail. Malgré tout, elle était souvent en retard pour prendre son train, on l’entendait courir dans le couloir… Il y a aussi une autre fille, qui laissait sonner son réveil pendant 1h, son réveil sonnait, sonnait et sonnait encore, mais personne ne bougeait. Son voisin de chambre, exaspéré, balançait parfois une chaussure contre le mur. Le troisième à se lever, avait au moins 5 réveils, mais rien n’y faisait, la plupart du temps, il se rendormait. Souvent, je passais à côté de sa chambre : « Knock, knock… Wake up please… ». Je prenais mon petit-déjeuner en attendant qu’il finisse à la salle de bain.
Je croisais parfois la courageuse, qui allait courir avant le travail, pas réveillée je lui disais juste « hello » et esquissait un sourire. La team de 8 heures : ils travaillaient juste à côté, malgré tout, la différence était extrême : l’un d’eux se levait à 7h et l’autre à 7h47 ! À vrai dire, le second était souvent en retard malgré les nombreux appels et « Knock, Knock.. » du premier. Je crois qu’il n’y en avait qu’un seul qui commençait vers 10-11h, généralement il chantait ou sifflait en se levant… la bonne humeur incarnée !Je rentrais pour manger à la maison à midi, ou 13h et c’était l’heure du réveil pour certains…
Oui, il y avait aussi l’équipe d’aprèm. Ils commençaient parfois à 13h, 15h ou même 18h… Mais le plus drôle, c’étaient évidemment les lendemains de soirées… Si vous tendiez un peu l’oreille, vous pouviez entendre des « Knock, knock », des « Wake up », des « please, go first » dans tout le couloir…Bien sûr, on faisait souvent la fête, on aimait se retrouver dans le salon, jouer à des jeux de cartes et boire quelques bières. On sortait, souvent, on se déplaçait ensemble, certains de mes amis nous appelaient “la secte”.
On a vécu une expérience un peu à part, pendant quelques mois, on se considérait un peu comme une famille.

Et puis le propriétaire de l’appartement a décidé d’arrêter le contrat avec notre entreprise. Nous allions être relogés et sûrement séparés. Ça marquait la fin de cette parenthèse de vie. Cette bulle, qui avait été si forte pendant des mois, allait éclater. On a tous fermé cette porte et déposé les clés, un peu comme dans le dernier épisode de « Friends ». Ça à été fort, aussi, parce que ça à été court, ça ne pouvait pas durer toute la vie. C’était bien ce que l’on peut appeler une parenthèse.
On ne sort pas indemne de ce type d’expérience. Il y a ceux qui ont la capacité de vite passer à autre chose, sans pour autant oublier les bons moments passés. Et puis il y a ceux pour lesquels ça prend un plus de temps.
De mon côté, j’ai quitté Lisbonne quelques mois plus tard. Cette fois, je tente ma chance à Barcelone, j’y vis depuis 2 mois, après les Pastels de Nata, à moi les Tapas. Mais je ne resterai pas longtemps cette fois. Quand la petite bête du voyage vous pique, il est difficile de rester en place, même si au fond je sais aussi que la France reste mon pays, mon chez moi et l’Alsace mon bol d’oxygène.

Après cette année-là, je ressors changée. Mon anglais est “bancal” mais je n’ai plus peur de le parler et je le comprends plutôt bien, c’est ma plus grande victoire !
Je suis plus indépendante et moins matérialiste. Je n’ai pas peur de poser mes valises un peu n’importe où. Mon problème est peut-être de tout simplement trouver une place fixe, quelque part, ce qui n’est pas si simple pour moi.
Je n’ai pas la science infuse. Je sais juste que j’ai eu une chance folle d’être littéralement tombée dans cet appartement avec ces personnes. Cette expérience n’est pas faite pour tout le monde. J’en ai conscience. Mais il s’est passé quelque chose, une sorte de magie qui ne s’explique pas.
Ça fait maintenant partie de mes souvenirs, les souvenirs de mon Europe à moi. Ma belle Europe, celle qui n’a pas de frontières, celle qui est libre.


J’adore ! Je comprends mieux maintenant l’expérience au sein de la secte c’est touchant 😍
Eh oui Sarah, tu l’as connu cette « secte », c’était particulier et super beau ! Merci ce jolie commentaire.
De bons souvenirs tout ça, j’ai pas arrété de sourire de toute ma lecture de l’article 🙂
Bisous Vicky!
Merci Gaulthier, ton commentaire me fait particulièrement plaisir… Tu as aussi vécu cette belle aventure, tu fais parti de cet article 🙂
Bisous !
Coucou Victoria c’est ta « tante » et oui c’est un beau titre . Tu as raison . Être marraine encore plus honorifique . Quelle plaisir de lire Ton blogue . Tu nous fais voyager à travers tes photos et tes textes qui sont magnifiques . Plein de réalités d’émotions .j’ai hâte de lire la suite . Bon voyages .A travers la nouvelle caledonie . En compagnie de ton frère ta soeur de coeur et de ta filleule . Bisous tatie